L'amplificateur opérationnel parfait

En ce sens la philosophie de la physique rejoint, jusqu’à ne plus pouvoir en être distinguée, la philosophie du bouddhisme, qui est celle de l’éclairement.

             Gary Zukav in « La danse des éléments ».

 

Résumé

L’amplificateur opérationnel (AOP) est la matérialisation intégrée de la fonction amplification, essentielle en électronique. Les progrès observés dans les caractéristiques et les performances de ce composant permettent de n’envisager qu’une description des caractéristiques idéalisées.

Après une brève introduction, une présentation du symbole et des notations des grandeurs relatives à l’AOP, les caractéristiques essentielles de l’AOP parfait sont présentées pour déboucher sur le modèle équivalent. La mise en œuvre du composant nécessite le bouclage de la sortie l’une des entrées. Ceci conduit à deux principaux groupes de montages. Le premier, où la contre réaction est négative, met en œuvre le fonctionnement linéaire dans le suiveur de tension, l’amplificateur simple —inverseur ou non— ou de différence, le sommateur, l’intégrateur ou le dérivateur. L’autre groupe présente l’effet d’une contre réaction positive au sein du comparateur simple ou à hystérésis. La dernière partie aborde quelques applications qui échappent à une étude systématique.

 

Sommaire

I. Le composant « amplificateur opérationnel »

I.1.     Introduction

I.2.     Symboles - Notations

I.3.     Caractéristiques de l’AOP parfait

I.3.1.      Amplification différentielle

I.3.2.      Impédance et courants d’entrée

I.3.3.      Impédance de sortie

I.3.4.      Schéma équivalent de l’AOP parfait

II.    Mise en œuvre de l’AOP

II.1.    Introduction

II.2.    Notion de contre-réaction

II.2.1.     Représentation fonctionnelle

II.2.2.     Etude de la stabilité

II.3.    Modes d’étude des montages à AOP

III.   Les applications linéaires de l’AOP

III.1.  Linéaire ou non linéaire ?

III.2.  Suiveur de tension

III.2.1.     Etude

III.2.2.     Intérêt et application : prélèvement d’une tension sans influence

III.3.  Amplificateurs de tension

III.3.1.     Amplification avec inversion

III.3.2.     Amplification sans inversion (cas de l’introduction)

III.4.  Amplificateur de différence (appelé aussi soustracteur)

III.5.  Structure sommatrice (ou sommateur)

III.6.  Intégrateur et dérivateur

IV.  Les applications non linéaires de l’AOP

IV.1.  Mise en place

IV.2.  Comparateur de tensions

IV.3.  Comparateur à deux seuils, à hystérésis ou trigger de schmitt

IV.3.1.    Structure sans inversion

IV.3.2.    Structure avec inversion

V.   Les montages particuliers

V.1.   Diode sans seuil

V.2.   Simulateur de résistance négative

 


I. Le composant « amplificateur opérationnel »

            I.1. Introduction

Si on pousse la description d’un composant au plus loin que nous le permet la physique, on obtient un modèle certes très précis, mais qui bien souvent n’offre pas une approche suffisamment simple permettant une mise en œuvre rapide et efficace de l’élément dans un contexte industriel.

L’amplificateur opérationnel (AOP) bénéficie aujourd’hui de performances telles que le composant réel est  très proche de ses caractéristiques idéalisées. C’est la raison pour laquelle ce document présente l’amplificateur opérationnel parfait pour lequel les “défauts” du composant sont ignorés.

 

            I.2.  Symboles — Notations

·      Alimentation double ±Vcc (de 3 à 50 V) souvent, mais pas nécessairement, symétrique

·      2 entrées : une est marquée + (influence non inverseuse), l’autre – (influence inverseuse).

·      Application des tensions v+ (sur +) et v (sur –)

·      Tension d’entrée différentielle : ved = v+ – v

·      la sortie délivrant la tension vs

·      Symbole de l’amplification :

·      Coefficient d’amplification : Ad

 

 

Figure 1 : notations.

 

            I.3. Caractéristiques de l’AOP parfait

            I.3.1. Amplification différentielle

Caractéristique vs = f(ved), on relève 2 domaines :

·       Domaine linéaire : vs = Ad vedAd est l’amplification différentielle, très grande (>105) donc tendant vers +¥. Dans ce cas, L’AOP est dit « idéal ». L’indication ¥ remplace Ad .

·       Zones de saturation : vs = cte = Vsat+ ou Vsat–, les tensions de saturation, très proches de la tension d’alimentation : vs = ±Vcc.

 

 

Figure 2 : caractéristique de transfert.

 

            I.3.2. Impédance et courants d’entrée

Les impédances des deux entrées sont très élevées (® ¥) : les courants d’entrée sont nuls.

 

            I.3.3. Impédance de sortie

L’impédance de sortie de l’AOP est nulle : la tension vs est indépendante du courant extrait is.

 

            I.3.4. Schéma équivalent de l’AOP parfait

On rassemble toutes ces hypothèses d’étude en construisant le schéma équivalent de l’AOP parfait (Figure 3).

Ce modèle montre que l’on réalise une source de tension vs commandée en tension ved.

 

 

Figure 3: schéma équivalent de l’AOP parfait.

 

II. Mise en œuvre de l’AOP

            II.1. Introduction

Constatation : il est difficile de contrôler la tension de sortie car l’amplification Ad est très importante et une très faible valeur de la tension d’entrée suffit à saturer l’AOP.

Remède : prélever une fraction de la tension de sortie et l’ôter de la tension d’entrée dans le but d’obtenir une différence proche de 0. De cette manière, on travaille dans le domaine linéaire.

Structure d’étude (Figure 4)

or , si bien que

si Ad ® ¥, alors vs® kve,

Le fonctionnement est linéaire.

 

 

Figure 4: réaction de la sortie sur l’entrée –.

 

            II.2. Notion de contre–réaction

Le bouclage de la sortie sur une entrée est un principe appelé réaction.

 

            II.2.1. Représentation fonctionnelle

Ici, c’est un bouclage sur l’entrée négative : la réaction est négative ou contre-réaction. Les relations établies précédemment peuvent recevoir une représentation fonctionnelle à l’aide d’éléments graphiques : l’addition, la soustraction et la multiplication par une constante (Figure 5). On obtient alors le schéma fonctionnel, appelé aussi « schéma blocs ».

Liaison

Sommateur : s = a + b

Soustracteur : s = a - b

Opérateur : s = K.e

Figure 5 : symboles graphiques élémentaires pour représentation fonctionnelle.

 

A partir des éléments précédents, on traduit les relations établies dans le paragraphe §0 en schéma fonctionnel comme l’indique la Figure 6.

Figure 6 : Schéma fonctionnel de l’AOP en contre-réaction négative.

 

            II.2.2. Etude de la stabilité

Dans une étude, il est intéressant de contrôler la stabilité (statique) de la sortie vs :

·       l’entrée ve est maintenue constante, si vs & Þ v & Þ ved ( Þ vs (, il y a compensation ;

·       l’entrée ve est maintenue constante, si vs ( Þ v ( Þ ved & Þ vs &, il y a compensation ;

Cette analyse peut être étudiée et illustrée graphiquement comme le présente la Figure 7. Une légère variation du point de fonctionnement (intersection entre la caractéristique interne de l’AOP et la caractéristique externe, le diviseur de tension),  conduit à revenir vers ce point. L’état attaché à ce point de fonctionnement est stable.

 

 

Figure 7 : stabilité de la CR négative.

 

            II.3. Modes d’étude des montages à AOP

Dans un premier temps, si l’AOP est considéré parfait, alors i+ = i- = 0. Cette hypothèse peut être notée sur le schéma pour fixer les conditions d’étude.

Par observation du schéma, on en déduit la connexion de la sortie :

·       l’entrée – est connectée à la sortie : le montage est étudié en linéaire, on a alors  ved = 0. Cette condition d’étude est notée aussi sur le schéma.

·       l’entrée + est connectée à la sortie (ou s’il n’y a pas de lien) : le montage est étudié en non–linéaire. On a alors saturation de la tension de sortie et vs = Vsat+ ou Vsat-. Dans ces conditions ved n’est pas identiquement nulle, seul son signe est important.

 

 III. Les applications linéaires de l’AOP

            III.1. Linéaire ou non linéaire ?

Les applications de l’AOP sont divisées en deux grandes catégories suivant la nature de la contre réaction. Si elle s’opère sur l’entrée négative, la contre-réaction est dite négative ce qui permet un fonctionnement linéaire. Dans l’autre cas, la contre-réaction positive a tendance à accentuer l’instabilité de la sortie qui part vers l’une des tensions de saturation : le fonctionnement est alors en tout ou rien ou non linéaire. Un dernier ensemble de montages regroupe les structures mixtes ou spéciales : double contre réaction ou insertion de composants particuliers. Dans ce cas, on ne peut pas, a priori, établir un type de fonctionnement.

Cette première partie traite des montages linéaires. La suivante aborde les non linéaires pour terminer par les applications spécifiques essentielles. Ils sont traités en grandeurs sinusoïdales avec des impédances mais restent valables en grandeurs quelconques avec des résistances.

 

            III.2. Suiveur de tension

            III.2.1.  Etude

AOP supposé idéal (en particulier i+ = i- = 0).

Contre réaction négative Þ étude en linéaire : ved = 0.

Maille entrée-sortie :

Donc

 

 

Figure 8: suiveur de tension.

Remarque : il est possible d’utiliser la structure du §0 avec R1 ® ¥ et R2 = 0.

 

            III.2.2.  Intérêt et application : prélèvement d’une tension sans influence

Lorsque l’on charge un montage par un autre (Figure 9), l’interaction des impédances d’entrée des montages amont et aval, altère la tension E prélevée :

Pour éviter cet inconvénient, il faut transmettre la tension avec un courant extrait nul. Le suiveur de tension répond parfaitement à cet impératif (Figure 10). On réalise une adaptation d’impédance.

 

Figure 9 : prélèvement d’une tension.

 

Figure 10 : insertion d’un suiveur.

 

             III.3. Amplificateurs de tension

            III.3.1.  Amplification avec inversion

AOP supposé idéal (en particulier i+ = i- = 0).

Contre réaction négative Þ étude en linéaire : ved = 0.

Tension borne  – :

Donc

 

 

Figure 11 : amplificateur inverseur.

 

            III.3.2.  Amplification sans inversion (cas de l’introduction)

AOP supposé idéal (en particulier i+ = i- = 0).

Contre réaction négative Þ étude en linéaire : ved = 0.

Tension borne  – :

Donc

 

 

Figure 12 : amplificateur non invseur.

 

            III.4. Amplificateur de différence (appelé aussi soustracteur)

AOP supposé idéal (en particulier i+ = i- = 0).

Contre réaction négative Þ étude en linéaire : ved = 0.

Donc

 

 

Figure 13 : soustracteur.

Si Z1 = Z 3 et Z 2 = Z 4 alors

 

            III.5. Structure sommatrice (ou sommateur)

AOP supposé idéal (en particulier i+ = i- = 0).

Contre réaction négative Þ étude en linéaire : ved = 0.

Millman avec V = V+ :

Donc

 

 

Figure 14 : sommateur.

 

            III.6. Intégrateur et dérivateur

AOP supposé idéal (en particulier i+ = i- = 0).

Contre réaction négative Þ étude en linéaire : ved = 0.

Courant i dans C :  et  

Donc

 

 

Figure 15 : intégrateur.

 

AOP supposé idéal (en particulier i+ = i- = 0).

Contre réaction négative Þ étude en linéaire : ved = 0.

Courant i dans C :

Donc

 

 

Figure 16 : dérivateur.

 

 

 IV. Les applications non linéaires de l’AOP

            IV.1.  Mise en place

Si la contre réaction est absente

Dès que ved ¹ 0, la saturation de la sortie apparaît :

Conclusion : vs = Vcc ou -Vcc quelque soit la tension ved. Le fonctionnement n’est pas linéaire.

 

Si la contre–réaction est positive

On étudie la stabilité à ve fixée sur la Figure 17 :

vs & Þ v+ & Þ ved & Þ vs &

vs ( Þ v+ ( Þ ved ( Þ vs (

 

 

Figure 17 : contre-réaction positive, fonctionnellement.

Les évolutions possibles de vs concourent à la saturation.

Conclusion : vs = Vcc ou -Vcc quelque soit la tension ved. Le fonctionnement n’est pas linéaire.

 

D’une manière similaire à celle employée pour la contre réaction négative, l’illustration graphique de la Figure 18 montre qu’une légère variation du point de fonctionnement,  conduit vers la saturation. L’état attaché à ce point de fonctionnement est instable (la seule stabilité est la saturation résultante).

 

 

Figure 18 : instabilité de la CR positive.

 

            IV.2. Comparateur de tensions

AOP supposé idéal (en particulier i+ = i- = 0).

Contre réaction positive Þ vs = ±Vcc.

·       ved = ve – V0 < 0, ie ve < V0 donc vs = –Vcc

·       ved = ve – V0 > 0, ie ve > V0 donc vs = Vcc

Suivant la position de la tension d’entrée par rapport à V0, la sortie indique le signe de la différence : c’est une fonction de comparaison.

 

 

Figure 19 : comparateur à un seuil.

 

Application et illustration : mise en forme de signaux

Figure 20: chronogrammes issus de la comparaison de tensions.

 

            IV.3. Comparateur à deux seuils, à hystérésis ou trigger de schmitt

            IV.3.1. Structure sans inversion

Basculement dès que ved = 0, ie

Les deux valeurs de vs conduisent à deux seuils :

 

 

Figure 21: trigger non inverseur.

 et  (T pour threshold, seuil) symétriques.

Remarque : ve « attaque » la borne + qui marque la non inversion.

vs = -Vcc si ved < 0, c’est dire

vs = Vcc si ved > 0, c’est dire

Ces éléments aident au tracé de la caractéristique de transfert de la Figure 22.

On remarque qu’en parcourant la courbe (fléchage), le premier seuil rencontré est ignoré pour basculer au second.

 

 

Figure 22: caractéristique de transfert.

 

            IV.3.2. Structure avec inversion

Basculement dès que ved = 0, ie

Les deux valeurs de vs conduisent à deux seuils :

 

 

Figure 23: trigger inverseur.

 et   symétriques.

Remarque : ve « attaque » la borne – qui marque l’inversion.

 

vs = -Vcc si ved < 0, ie

vs = Vcc si ved > 0, ie

Ces éléments aident au tracé de la caractéristique de transfert de la Figure 24.

On peut suivre la même règle que pour la structure non inverseuse concernant le parcours de la caractéristique.

 

 

Figure 24 : caractéristique de transfert.

 

 

  V. Les montages particuliers

Dans ces montages, on ne peut pas, a priori, déterminer si le fonctionnement est linéaire ou non.

 

            V.1. Diode sans seuil

Si la charge R est absente, aucun courant ne parcourt D qui n’est donc pas polarisée : il faut tenir compte de la charge R lors de l’étude.

L’état de D dépend de vD, donc du signe de ve.

D = 0 Þ pas de CR : v’s = –Vcc, ve < 0 et vs = 0

(v’s < 0 confirme l’hypothèse D bloquée).

D = 1 Þ  suiveur : v’s = vs = ve.  > 0.

On retrouve le fonctionnement d’une diode parfaite.

 

 

Figure 25 : diode sans seuil.

 

Comparaison avec la diode « classique » avec seuil

 

Figure 26 : dolarisation simple de la diode.

 

Figure 27 : diode sans seuil.

 

Les chronogrammes qui en découlent

 

Figure 28

 

Figure 29

 

            V.2. Simulateur de résistance négative

On rencontre souvent la dénomination anglo-saxonne : NIC pour negative impedance converter.

2 contre–réactions : une positive, une négative.

On ne peut conclure sur le mode d’étude.

Etude de la stabilité lorsque ve est invariante :

·       Si vs &, seule v & Þ vs (

·       Si vs (, seule v ( Þ vs &

La variation de vs a tendance à être stabilisée dans un fonctionnement linéaire.

Conclusion : étude effectuée en linéaire (ved = 0).

 

 

Figure 30 : NIC.

 

Expression de la relation tension–courant

AOP supposé idéal (en particulier i+ = i- = 0).

Etude en linéaire : ved = 0.

Tension entrée  – :  donc  or

En éliminant vs, on obtient :

Le coefficient de proportionnalité entre la tension ve et le courant ie est homogène à une résistance négative de valeur .

 

Application

Compensation de la résistance d’un circuit RLC pour réaliser un oscillateur sinusoïdal à oscillations entretenues.